Le 3 septembre 2019 se tenait au Palais Brongniart à Paris l’événement AI For Finance, organisé par Startup Inside

Adina Grigoriu, CEO et Co-fondatrice d’Active Asset Allocation, était sur scène pour le panel « Étude de cas sur la Gestion des Risques », aux côtés de Sophie Elkrief, CIO de la MAIF et Anne Lamotte, Leader de My Future Ecosystem chez Allianz.

Regardez le panel ci-dessous, modéré par Emma Sezen, Directrice du Groupe et des Partenariats d’AI For Finance chez Startup Inside :

Étude de cas sur la Gestion des Risques – Panel AI For Finance avec Adina Grigoriu, Sophie Elkrief et Anne Lamotte, modéré par Emma Sezen.

Pour lire le panel complet :

Présentatrice : Nous allons maintenant parler de gestion du risque. Pour ce panel, je souhaite la bienvenue sur scène à Adina Grigoriu, CEO d’Active Asset Allocation ; Sophie Elkrief, CIO chez MAIF ; Anne Lamotte, leader de l’écosystème Mon Avenir chez Allianz ; et Emma Sezen, Directrice de AI For Finance chez Startup Inside.

Emma SEZEN : Bonjour à tous ! Nous allons parler de l’impact de l’IA dans la gestion des risques. Nous avons notamment la chance d’avoir deux représentantes de grands Groupes : la MAIF et Allianz, qui mènent chacune un projet avec Active Asset Allocation, représentée par la CEO présente ici. Avant de commencer, Adina tu es CEO d’Active Asset Allocation, qui a levé à peu près 4 millions d’euros cette année. Est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus ?

Adina GRIGORIU : Avec plaisir ! Bonjour tout le monde. Active Asset Allocation est une société d’ingénierie financière que j’ai cofondée il y a maintenant 9 ans avec Olivier Hiezely. Nous réalisons des modèles d’allocation d’actifs selon une méthodologie propriétaire que nous déployons pour des institutionnels. Nous avons également créé une plateforme digitale qui nous permet d’interagir avec nos clients en B2B, et maintenant en B2B2C. Notre grand avantage, je dirais, par rapport à ce qui peut se voir (on peut être associés souvent à un Robo-advisor en marque blanche), c’est que l’on peut accompagner nos clients d’un bout à l’autre de la chaine de valeur. Donc la création d’algorithmes sur-mesure qui permet de concevoir ensuite des produits innovants, le fait de pouvoir les déployer en B2B pour nos clients (par exemple les gérants) pour qu’ils puissent interagir avec le modèle en mettant leurs vues de marché. La partie B2B2C ensuite, qui permet à nos propres clients d’interagir avec leurs clients finaux en faisant, bien sûr, toute la partie profilage un peu classique, mais aussi la définition d’un projet d’épargne et surtout l’accès à un simulateur qui permet au client et à son conseiller de voir dans quelles mesures chacune des décisions qu’il peut prendre va influer sur les chances de succès de son projet. En faisant ça, on arrive à individualiser les algorithmes autour du client. Et puis bien sur la dernière partie qui est le suivi, le rebalancing et la création de reporting individualisés, qui est très importante.

Emma SEZEN : Merci Adina. Alors Sophie justement, est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus sur les projets que vous menez ensemble et l’impact que ça a sur la gestion des risques notamment ?

Sophie ELKRIEF : Bonjour à tous. Nous avons deux projets qui sont très importants pour la MAIF avec Active Asset Allocation. Tout d’abord un projet que je qualifierais d’institutionnel. Ce projet qu’est-ce que c’est ? Très simplement, elle l’a expliqué, ils ont un modèle propriétaire d’allocation d’actifs. Moi, mon travail à la MAIF c’est d’allouer des actifs avec des contraintes assurantielles, et vu l’environnement de taux que tout le monde connait, ça devient de plus en plus compliqué d’avoir des rendements financiers, donc on se diversifie. Et une des méthodes de diversification que l’on est en train de tester avec les équipes d’AAA, c’est de dire : mon job, c’est allocataire d’actifs, et bien je vais confier une partie de mes encours à des gens comme AAA qui vont les allouer différemment de moi (de mon équipe et moi pour être plus précise) avec des contraintes que nous fixons bien évidemment parce que c’est l’actif assurantiel, et à ce moment-là on va se diversifier, on aura une gestion différente. Donc c’est très intéressant en termes de retour d’expérience pour nous. Et de façon connexe à ce projet, il y a toute leur technicité, leur expérience en termes de Big Data, Adina parlera beaucoup mieux que moi précisément de l’intervention et de l’impact de l’Intelligence Artificielle dans ses modèles, mais tout cela est évidemment derrière les concepts que j’expose. Le deuxième projet, qui est aussi très important pour la MAIF, ce sont les outils digitaux dont a parlé Adina, et une plateforme d’un bout à l’autre de la chaine notamment l’interfaçage entre les projets des clients, des outils d’aide à la décision mis à la disposition des conseillers, et in fine, la mise en place d’une gestion. Tous ces outils, on les teste, on les trouve intéressants, et également il y a cette possibilité d’offrir une gestion personnalisée et aussi d’offrir une gestion tout court, différente du fonds euros, au plus grand nombre. Là nous touchons au cœur de l’ADN de la MAIF, qui est que dans l’environnement actuel (vous allez dire elle est pénible avec ses taux d’intérêts mais pour un assureur c’est assez important), on est un peu dans l’euthanasie du rentier. Si on est rentier, on se fait euthanasier mais un petit peu moins que les petits patrimoines. Donc notre vision des choses c’est que si l’on a la possibilité d’offrir une gestion pas chère, personnalisée et efficace pour maximiser la probabilité de succès d’un projet pour tous, on va le faire. 

Emma SEZEN : Alors Adina, est-ce que tu peux nous en dire plus sur la partie technique, et quelles sont les spécificités de ton modèle finalement ? Et j’ai envie d’être un petit peu tricky, tout le monde parle d’IA et de faire de l’IA, en quoi est-ce que là il y a de l’IA ?

Adina GRIGORIU : Oui, je vais vous expliquer ça. Ce que disait Sophie surtout c’est qu’aujourd’hui nous sommes dans un environnement particulier parce que l’IA existe depuis longtemps (comme la finance quantitative) et c’est vraiment aujourd’hui cette conjonction d’avoir à la fois la puissance de calcul, le Cloud et effectivement l’IA qui s’est un peu généralisée et qui nous permet de sortir ce genre d’offres. Mais on part à la base de l’ingénierie financière. Je vais vous donner un exemple concret de la manière dont on utilise l’IA : on a cette méthodologie qui s’applique de manière générale à l’allocation d’actifs pour gérer la perte maximale en capital, c’est vraiment notre approche. Pour calibrer un modèle comme ça, si on a 10 classes d’actifs, on a plus de 10 puissance 10 combinaisons de paramètres qui pourraient être utilisés pour répondre à l’un ou l’autre des besoins. Donc là où l’IA rentre en compte c’est vraiment dans le fait de trouver ces paramètres optimaux pour le projet du client, pour ce que le client essaie de faire. Et lorsque l’on faisait les choses à la main, il y a 10 ans quand on a commencé à modéliser, il nous fallait à peu près 8 semaines pour créer un modèle d’allocation sur mesure. 8 semaines c’est long ! Et si l’on veut individualiser et aller jusqu’au bout du client final, il faut le faire en quelques secondes. C’est l’IA qui nous aide à faire ça, et en particulier des algorithmes génétiques. Cela va nous permettre, par des mutations successives de converger assez rapidement vers le résultat. Donc ça c’est une utilisation qui est très pratique. Une autre utilisation c’est que l’on est quand même sur les marchés financiers, et l’une des choses les plus importantes c’est de ne pas perdre. Donc on a développé des indicateurs avancés de stress sur les marchés actions, et là on a un autre type d’IA qui s’applique, ce sont des algorithmes non pas auto-apprenants, mais c’est de l’apprentissage supervisé. Et ce que l’algorithme apprend c’est le poids à donner à chacun des indicateurs qu’il utilise pour maximiser finalement son taux de réussite. Et quand on encapsule tout ça avec du digital, dans le Cloud, on se rend compte que c’est une machine de guerre incroyable puisqu’on arrive à déployer et aller effectivement jusqu’au bout et jusqu’au dernier point qui est finalement le plus compliqué qui est le reporting individualisé (nous allons en parler avec Anne). Il est presque plus facile d’individualiser des algorithmes que d’individualiser un reporting, parce que dans le reporting il faut parler avec des mots et puis il faut parler au client de son projet. Il n’y a que l’IA qui peut permettre de faire ça.

Emma SEZEN : C’est génial ! Bravo en tout cas pour ce projet que vous menez ensemble. Anne, justement, tu es Ecosystem Leader, est-ce que tu peux nous expliquer ce que l’on entend par « Ecosystem » exactement ?

Anne LAMOTTE : Chez Allianz nous avons mis en place un nouveau mode de fonctionnement qui s’appelle effectivement les écosystèmes et le mot fonctionnement est extrêmement important puisqu’il ne s’agit pas d’une organisation nouvelle. C’est juste avoir un travail ensemble, collaboratif et agile, avec des collaborateurs qui ont différentes compétences (des actuaires, des marketeurs, des gens de la finance) et qui ont pour objectif de travailler co-localisés, ensemble sur les mêmes plateaux, à des projets mais aussi parfois à des actions de fonctionnement dans l’objectif de répondre aux besoins des clients, et donc orientés clients. Le client est au centre depuis très longtemps, mais là on partage tous, avec les visions partagées que l’on peut avoir par son propre métier, ce que veut le client. L’objectif est de pouvoir lui répondre le plus vite possible avec les compétences. Pour faire ça, aujourd’hui nous avons 6 écosystèmes qui sont en place chez Allianz, le plus jeune a 1 an, le plus ancien a 2 ans, donc c’est un vrai changement de culture d’entreprise. Ça prend du temps, c’est basé sur la méthode agile, la méthode Scrumqu’on a plutôt l’habitude de voir dans le monde informatique et qui là s’applique au monde technique, métier de l’assurance. J’ai en charge l’écosystème Mon Avenir, dont l’objectif est de prévoir et d’optimiser les revenus futurs de nos clients, donc on est en plein dans le sujet.

 Emma SEZEN : C’est super ! Et alors quels sont les projets que tu mènes en ce moment au sein de cet écosystème ?

Anne LAMOTTE : Alors, on a pleins de projets qui sont liés, et tout le monde s’y retrouvera, autour de la retraite : c’est quand même l’actualité forte autour de l’épargne. Mais on a aussi un projet qui nous rapproche d’Adina et d’AAA, qui est un projet orienté client, et qui va permettre à un client de suivre la performance de ses contrats d’épargne. Dit comme ça ça parait tout simple, mais en fait on sait tous que dans la vie d’un contrat d’épargne il y a énormément d’événements, que ce soient des événements du client lui-même par des versements ou des rachats, ou des événements liés au marché, Sophie en a très bien parlé. Notre préoccupation aujourd’hui, et le projet qu’on mène et qu’on avance très fortement avec Adina, c’est permettre au client de pouvoir voir par du reporting individualisé, ce qu’il se passe, quelle est sa performance. Finalement, quand on a défini avec lui quelle classe de risque il voulait prendre, il pouvait prendre, le suivre, l’ajuster, avec aujourd’hui une proximité des conseillers commerciaux, mais demain on sait très bien que les clients veulent de plus en plus d’autonomie, des décisions qu’ils pourront prendre, et on voit tout l’intérêt d’un outil qui permet de regarder quel est le résultat auquel je peux arriver avec un choix d’allocation pour mesurer effectivement si je le fais ou je ne le fais pas, moi client. Nous sommes sur ce projet là depuis quelques mois. Nous allons lancer un pilote dans très peu de temps. C’est très attendu aussi par les commerciaux, et je tiens à le souligner parce qu’on le voit côté client et Risk management, mais un commercial qui peut aussi anticiper une question d’un client parce qu’il a vu le résultat obtenu par les placements qui ont été choisis et conseillés, c’est extrêmement important sachant qu’on est en général aujourd’hui avec une cible de clientèle, pour cet outil, qui a non seulement de l’euros mais pas mal de diversification sur différents types de fonds donc on voit l’intérêt de pouvoir avoir ce type d’outil à leur disposition.

Emma SEZEN : C’est super ! C’est intéressant effectivement d’avoir les deux points de vue : clients et commerciaux. Merci pour ce retour. Adina, est-ce que tu pourrais nous en dire un peu plus sur la partie technique et comment ça se matérialise exactement ?

Adina GRIGORIU : La partie technique est un petit peu la même que celle de toute à l’heure, les bases sont les mêmes. Toute à l’heure on parlait plus de gestion pilotée par un modèle, là on a également développé des outils d’aide à la décision lorsque le client souhaite être tout seul et avoir une allocation stratégique. Ça c’est quelque chose d’assez nouveau également, parce que comme l’allocation stratégique est aussi vieille que le monde, on a l’impression que c’est facile à faire et la plupart des gens font une espèce de frontière efficiente min variance. En fait quand on réfléchit à la question, la volatilité n’est pas une mesure de risque puisqu’elle ne veut rien dire pour personne, même pas pour l’institutionnel, donc on a un peu de mal avec ça. Nous allons prendre la bonne mesure de risque et la perte en capital que le client est prêt à supporter, on va bien sur tenir compte de son profil SRRI comme nous le demande la législation et ensuite on va surtout pouvoir, à nouveau grâce à l’IA, proposer une allocation stratégique à partir de 10, 12, 15 classes d’actifs en les optimisant. Mais là quand on regarde, la frontière efficiente ne ressemble pas du tout à une frontière puisque quand on a 3 actifs on a déjà des bosses et en fonction du point de départ on peut finir sur un minimum local donc finalement c’est beaucoup plus technique que ce que l’on croit et le fait de vraiment bien se pencher sur la technique financière permet finalement d’offrir non seulement un produit qui va être un peu « state of the art » mais aussi un moyen d’interfacer avec le client de manière ludique, sympathique, avec une expérience digitale particulière.

Emma SEZEN : Avant de nous quitter peut-être Anne, Sophie, pouvez-vous nous donner une vision de vos Groupes et de l’évolution de cet impact de l’IA et des projets que vous menez en ce moment ?

Sophie ELKRIEF : Pour nous si je devais garder des points saillants, le premier point essentiel va être le passage à l’échelle. Si l’on prend la MAIF qui est une mutuelle de taille moyenne, on a un peu plus de 3 millions de sociétaires qui ne sont pas tous adhérents à l’assurance-vie mais l’on va dire que c’est le potentiel, ça fait du monde ! Donc là nous parlons de gestion personnalisée, d’outils digitaux et de simulations de projet (il y a parfois plusieurs projets par client qui évoluent dans le temps). Tous ces éléments complexifient le projet et je pense que le vrai risque, le vrai challenge à court/moyen terme est de réussir cette industrialisation. Sur la partie institutionnelle que l’on travaille, nous ne sommes pas réellement sur un passage à l’échelle. C’est plus, pour nous et grâce à des gens comme AAA, s’ouvrir au monde et être toujours « dans le coup ». Les produits évoluent, la gestion évolue. Dans ce que l’on faisait il y a 15 ans il y a des choses que l’on fait encore et il y a des choses que l’on ne fait plus du tout aujourd’hui. Nous avons besoin de gérer des actifs de plus en plus importants, donc il faut que demain l’on soit en capacité de les gérer avec les moyens modernes qui s’offrent à nous.

Anne LAMOTTE : Pour le Groupe Allianz aujourd’hui l’Intelligence Artificielle est essentielle dans les projets que l’on peut mener, quels que soient les domaines. Nous sommes très axés sur le client, vous l’aurez compris par le projet que je mène avec Active Asset Allocation, mais d’une façon plus générale sur la donnée du client, sur ce que l’on connait, comment on peut lui apporter des réponses hyper personnalisées et contribuer ainsi réellement au Risk management pour nous vis-à-vis du client. Pour donner un autre exemple que celui que l’on développe, nous travaillons beaucoup sur les questions de fraude, qui sont réellement des risques pour nous assureur, et sur lesquels l’Intelligence Artificielle peut nous apporter énormément en fluidification, en accélération. Ce que nous croyons beaucoup c’est que notre enjeu de demain est de pouvoir aller le plus vite possible parce que le monde change, le client change et que plus nous pouvons intégrer ces technologies à travers des partenariats comme nous avons avec AAA ou par nos propres moyens, plus cela sera un facteur différenciant demain de notre position sur le marché.

Emma SEZEN : Merci beaucoup pour vos réponses !


Merci à toute l’équipe de Startup Inside et à Emma Sezen pour ce très bel événement, et un grand Merci à Sophie et Anne d’avoir accompagné Adina sur scène pour ce panel !